S01E05 - Arnaud Acher, les sardines et le Lycée Branly
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S01E05 - Arnaud Acher, les sardines et le Lycée Branly

Episode description

La cuisine, c’est quoi ? C’est la satisfaction d’une recette exécutée avec brio ? C’est faire des plats savoureux que l’on partage avec les amis et la famille ? C’est se réunir autour d’une belle table ? Mais c’est aussi pour se nourrir ? Et c’est aussi de la transmission ? La transmission du goût ? La transmission de la technique ? La transmission du savoir ? C’est la voie qu’a choisie mon invité. Il est professeur de cuisine au lycée Branly à La Roche-sur-Yon. Aujourd’hui, c’est Arnaud Acher qui s’assoit à la table de saveurs.

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La cuisine c'est quoi ? C'est la satisfaction d'une recette exécutée avec brio ? C'est

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faire des plats savoureux que l'on partage avec les amis et la famille ? C'est se réunir

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autour d'une belle table ? Mais c'est aussi pour se nourrir ? Et c'est aussi de la transmission ?

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La transmission du goût ? La transmission de la technique ? La transmission du savoir ?

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C'est la voie qu'a choisie mon invité. Il est professeur de cuisine au lycée Branly

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à la Roche-sur-Yon. Aujourd'hui c'est Arnaud Acher qui s'assoit à la table de saveurs.

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Les sardines grillées au barbecue avec les amis? La branche de céleri dans le jus de

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tomate au Canada? L'accord de la cerise avec le poivre de Timut? Notre alimentation

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est source de nombreux souvenirs et d'émotions. Plongez dans les souvenirs gustatifs des invités.

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Des mots, des aliments, des plats et des émotions. Une émission pour vous donner envie de passer

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à table ou au fourneau. Saveurs, à vos papilles, une émission qui vous fera saliver.

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Bonjour Arnaud. Bonjour. Une première question avant de piocher les mots dans la boîte.

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La cuisine est l'activité de tous les sens. L'odorat, le goût, la vue, l'ouïe et le

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toucher. Quel est le premier de ces sens qui t'a amené à la cuisine ? Moi clairement

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c'est... C'est drôle de dire ça. C'est surtout le goût en fait. J'ai toujours aimé les

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bonnes choses et je n'ai pas su trouver dans mon entourage familial, ma mère va me tuer,

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le bon goût comme je le souhaitais. Et donc il y a un moment il a fallu que je m'y mette. Donc

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c'est une quête du goût. C'est ça. Les autres sens sont arrivés après. La place des autres

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sens dans la cuisine ? En fait c'est assez compliqué parce que tout fait partie de cette

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art ou de cette activité. Le simple fait de penser une recette ou de prévoir une recette,

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de penser avec qui on va la partager ou pour qui on va la faire, fait partie déjà du travail et du

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plaisir. Et moi aujourd'hui qui ai un petit peu de bouteille, je me rends compte que finalement

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c'est plus important presque d'y penser avant que d'y être pendant. Le plaisir est plus grand lors

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de la réflexion que lors de la réalisation. C'est le travail de l'imaginaire qui nourrit

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tous ces sens-là. C'est ça parce qu'en fait la cuisine c'est quand même un art assez éphémère.

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On cuisine longtemps, on réfléchit souvent et on déguste rapidement. Et je me suis rendu compte

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que finalement le plaisir que je pouvais atteindre était pour moi et pas dans les remerciements ou

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les « hum c'est bon » mais plutôt personnel. Et plus ça va, plus je me dis que l'idée même de

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faire de la cuisine m'enjoua plus que finalement la satisfaction de la cuisine faite. C'est très

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intéressant. Alors c'est quoi ? C'est le fait d'avoir réussi avec brio une recette ou d'avoir

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réussi à trouver l'accord parfait ? D'avoir trouvé une nouvelle recette ou d'avoir exécuté une

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recette peut-être un grand classique de la cuisine française ? C'est un petit peu tout ça mais c'est

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vrai que la rencontre de la bonne personne avec la bonne recette c'est aussi le truc que je

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recherche de plus en plus. Alors c'est vrai qu'aujourd'hui je suis dans une recherche d'accentuer

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la saveur en diminuant la matière grasse, le sucre. Donc à chaque fois que ça fonctionne et

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que les gens disent « ah bah oui finalement la mousse au chocolat sans œufs ça marche, c'est

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plutôt bon », et bien je me dis « bim, ça a marché ». Ok, c'est des petits challenges comme ça sur

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des choses comme ça. Je t'invite à ouvrir la première boîte donc pour les auditeurs qui nous

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rejoignent dans cette émission. L'invité dispose de deux boîtes devant lui dans lesquelles il y a

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des mots. Une boîte plus axée sur les aliments et une deuxième boîte plutôt sur le vocabulaire

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de la gastronomie et sur les techniques de cuisine. A toi Arnaud. Ah oui,

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on peut faire quatre heures d'émission tranquillement. C'est rigolo ça, la sardine.

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La sardine. Alors en fait la sardine j'ai mis longtemps à ne pas aimer ça. Je n'aimais vraiment

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pas ça quoi parce qu'en fait j'ai travaillé dans des établissements à l'île de Ré étant jeune

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et la sardine faisait partie vraiment de la spécialité de la maison. C'était même une

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place signature à un restaurant que je travaillais. Donc j'étais du côté cuisine et ce n'est pas

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plaisant à travailler quand on en travaille des kilos. Par contre une fois adulte quand j'ai

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découvert que la sardine c'est un truc simple et compliqué et je me suis dit c'est génial.

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Et je me rappelle de souvenirs simples entre amis en fin fond de la Finlande avec une boîte

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de sardines de Saint-Gilles-Croix-de-Vie que je leur avais ramené et on s'est mangé ça sur un

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rocher en faisant un feu sur la mer glacée. C'était incroyable et on s'est retrouvé autour

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d'une sardine et je me suis dit c'est si simple mais si bon. Alors ça pourrait presque être un

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fil rouge dans tous les épisodes de Saveur. A chaque fois on parle effectivement de la

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simplicité. La force de la simplicité dans la cuisine d'avoir peut-être l'aliment juste,

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cuisiné comme il faut et aussi la difficulté de faire simple aussi des fois. C'est exactement ça

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en fait. Je me suis rendu compte que plus j'avance dans mes compétences en cuisine, plus je cherche

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la simplicité. Et moi je suis un assez grand voyageur et je voyage beaucoup sur les pays du

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nord de l'Europe où j'apprécie beaucoup. Et en fait comme ils ont assez peu d'histoire culinaire,

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ils se sont basés uniquement sur le produit. Et j'ai pu manger par exemple du saumon qui venait

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juste de frayer, donc qui était très très maigre, fumé au sauna. C'était des choses incroyables et

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finalement quand on réfléchit c'est assez simple. Et on dit souvent que la cuisine française est la

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meilleure au monde ou en tout cas une des meilleures au monde. C'était la question que

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j'allais poser. Quand on voyage, quelle est la place de la cuisine française ? En fait c'est pas tant

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le nom de cuisine française qui est la meilleure au monde, c'est la façon de penser la cuisine.

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C'est qu'aujourd'hui on s'est affranchi de tous ces artifices ou de plus en plus en tout cas du

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masquage. Si on prend la cuisine indienne, la cuisine asiatique en règle générale ou américaine ou

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même afro-américaine, on s'aperçoit que cette cuisine est une cuisine de masquage où on va

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masquer les saveurs pour pouvoir en rajouter. Et puis nous ça fait longtemps, c'est bizarre ce que

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je vais dire, mais c'est Descartes qui a débroussiré la cuisine, qui en disant « je pense donc je suis »,

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c'est à dire que ce n'est pas ce que je mange qui me rend meilleur, ce n'est pas ce que je suis qui

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me rend meilleur, mais ce que je pense. Donc on va séparer le corps et l'esprit. Une fois qu'on a

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dit ça, on n'a plus besoin de manger des épices pour être meilleur, de manger des ailerons de

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requin pour être plus fertile et ainsi de suite. On s'affranchit de tout ça et on simplifie ça.

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Et la cuisine de Scandinave particulièrement, qui est une cuisine sans histoire, c'est à dire qu'il

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n'y a pas une histoire de la gastronomie comme on peut avoir en Europe ou en France. Ils se sont

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affranchis de tout ça, ils ont dit que le produit, uniquement le produit, si on regarde aujourd'hui,

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tous les concours du monde, les meilleurs cuisiniers du monde, tous ceux-là viennent

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de Scandinavie. C'est terminé la France. La France n'est plus sur le podium. Regardez-les,

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tout simplement le Bocuse d'Or qui est quand même le meilleur concours. Là il y a eu quelques fois

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quelques Français, mais le podium, il est uniquement Scandinave. Norvège, Suède, Islande,

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c'est incroyable. C'est une question aussi que je voulais te poser, c'est justement,

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est-ce qu'il y a des tendances dans la cuisine? Alors depuis Descartes, j'imagine qu'on est

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passé par plusieurs tendances, mais aujourd'hui, est-ce qu'il y a une tendance sur la cuisine? Est-ce

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qu'on peut la définir ? Est-ce qu'on peut présenter un peu la tendance ? On a parlé effectivement

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peut-être d'une période où on allait beaucoup sur les épices, beaucoup sur des cuisines peut-être

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complexes. Aujourd'hui, on est peut-être plus sur une cuisine, alors la simplicité, mais peut-être

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sur la technique. On a eu l'époque de la cuisine moléculaire. Il y a toujours eu des mouvements

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dans la cuisine. Alors la cuisine moléculaire, pour info, ça n'a pas duré très longtemps. Non,

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c'est vrai. On s'est vite rendu compte qu'ajouter autant d'additifs sur un produit, ça avait quand

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même assez peu d'intérêt. Moi ce que je pense, c'est qu'aujourd'hui la cuisine, elle est surtout

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liée à un territoire et à une personne. Et finalement, selon là où on est, on va avoir

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une superbe cuisine par rapport à ce qu'on a à côté de nous. Il n'y a plus de cuisine vraiment

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universelle. Vous prenez le restaurant étoilé de La Roche-sur-Yon, on va dire Les Reflets par

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exemple, qui a vraiment sa cuisine. Je peux très bien en parler, je l'ai eu comme élève. Donc

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Nathan, en discutant avec lui aujourd'hui, avec ses voyages, avec ses rencontres ici à la Roche-sur-Yon

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en Vendée, il s'est forgé une culture culinaire qui fait que son restaurant est étoilé aujourd'hui

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à la Roche-sur-Yon parce qu'il a su trouver sa cuisine avec les produits qu'il avait autour de

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lui. Je pense que c'est ça la vraie tendance, ce n'est pas aller chercher des produits incroyables,

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c'est travailler son produit. Moi, une des meilleures émotions de cuisine que j'ai dans

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un restaurant, c'est à La Marine, à Noirmoutier. Et Alexandre Couillon m'a fait du merlan. Alors,

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dit comme ça, pour ceux qui vont nous écouter, le merlan, c'est un poisson le plus simple,

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un des plus bas de gamme, on pourrait dire. Sauf qu'il a réussi à le sublimer par une cuisson

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parfaite, une juste température, une ambiance, une association de saveurs avec le melon de son jardin

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qui avait fait un peu un pickle. J'ai été littéralement sur les fesses parce que je me

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suis dit, avoir autant d'émotions avec un simple merlan, je me dis, c'est bon, il a gagné lui.

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Et ça, c'est ça qui est assez... D'autres exemples, j'ai un peu coupé, mais j'ai eu

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l'occasion aussi de manger chez Trois Gros qui était mon idole d'enfance, c'est la raison pour

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laquelle presque j'ai appris à cuisiner. Et chez Trois Gros, j'ai mangé de la truffe, du foie gras,

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du... C'était incroyable. Sauf que j'ai mangé des produits exceptionnels en eux-mêmes. Donc,

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bien aussi, mais aujourd'hui, je pense que la vraie tendance, c'est sublimer des produits

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qu'on a à côté chez soi. Alors, tu as cité Nathan, premier étoilé de la Roche-sur-Yon,

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avec qui j'ai eu l'occasion de discuter il n'y a pas très longtemps. On le recevait dans l'émission

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d'un confrère, Tous à table. Et d'ailleurs, je vous invite à goûter le vinaigre qu'il a fait.

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Je ne sais pas si tu as eu l'occasion. J'ai trouvé ça délicieux. Je vous invite aussi à aller

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discuter avec Nathan, c'est vraiment une personne, je trouve, aussi passionnante et passionnée par la

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cuisine. Et on parlait justement un petit peu de tradition et tout. Et la Roche-sur-Yon n'est

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pas une ville de tradition gastronomique. Enfin, je ne sais pas, on n'a pas eu d'étoilé avant.

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Même la Vendée, on s'est arrivé tard. Je pense qu'on peut remercier Alexandre Couillon,

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je pense, tous les jours pour tout le travail qu'il a fait et d'avoir apporté ses trois étoiles en

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Vendée. Je pense qu'il a fait bouger les choses aussi en Vendée autour de la gastronomie. Parce

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qu'on a beaucoup d'aliments. On parle effectivement de la sardine. On a quand même des produits

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comme ça. Peut-être qu'il a fallu attendre ce moment où les gens sont plus allés chercher le

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produit local et vont chercher à le sublimer. Parce que ça, on n'est pas des producteurs de

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foie gras ou de truffes. Pourtant, on a beaucoup de foie gras. Oui, c'est vrai. On a beaucoup de

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canards. Par contre, moi, je serais aussi à remercier Thierry Drapeau, l'ancien chef de la

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Chaboterie, qui était le premier à mettre un grand coup de pied ici. J'ai gardé une amitié,

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une sensibilité auprès de Thierry Drapeau parce que j'ai trouvé que c'était quelqu'un qui était

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extrêmement sensible à son territoire. Aujourd'hui, il est sous d'autres cieux. Il est parti en Asie,

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à Saigon. Il a un superbe restaurant a priori. Il vient d'avoir un autre macaron. C'est incroyable.

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Mais c'est aussi des gens comme ça qui, de temps en temps, ont un petit peu déprousséré les trucs.

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Mais en Vendée, il y a quand même aussi Lionel Guilbaud qui a fait des choses avec Les Petits

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Ventres de Terre. Il a inventé des choses. Il a tenté des trucs. Moi, je suis admiratif de ces

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gens-là parce qu'effectivement, la Vendée n'était pas une tradition de grande cuisine, malgré que

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ce soit une tradition de grande zone touristique. Mais aujourd'hui, par cette simplicité, par aussi

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la mise à jour des agriculteurs qui ont vraiment sorti aussi leur zone de confort pour faire des

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produits de meilleure qualité, tout ça a fonctionné. Je prends des entreprises incroyables

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comme l'entreprise Vrignaud, par exemple, à Luçon, qui propose des choses depuis 200 ans. Mais moi,

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quand j'ai découvert ça il y a 25 ans, je me suis dit « mais pourquoi ce n'est pas plus connu que

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ça? ». Donc, ça y est, ça avance. J'ai une bonne anecdote sur Nathan. Vous la voulez ? Quand

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il était élève. Je ne sais pas s'il sera d'accord, mais tant pis. Quand il était élève, il est

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arrivé en France assez tard. Il est gallois. Donc, il parlait français assez approximatif au début.

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Et sur un devoir, il m'écrit « il faut purifier la pomme de terre ». Donc, je lis à haute voix

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« purifier la pomme de terre ». Il m'a dit « oui, on la réduit en purée ». C'est le premier grand

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souvenir que j'ai de Nathan. Finalement, après l'avoir purifié, il l'a sublimé. J'ai plein de

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questions à poser. On a plein de mots à piocher, mais on parlait effectivement des élèves. À quel

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avenir professionnel rêvent les étudiants en poussant les portes de votre établissement?

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Alors, c'est drôle parce qu'il y a 25 ans, quand j'ai commencé, les élèves se rendaient bien

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compte qu'il y avait un marché local sur la cuisine et la restauration. Donc, ils se disaient

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« je suis bien attaché à la Vendée, j'ai bien envie d'y rester et ce métier-là me permettra de

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le faire ». Après, les conditions de travail dans certains restaurants étaient si compliquées que

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ça pouvait être délicat. Il y avait des changements. Moi, comme je m'occupe particulièrement des bacs

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technologiques et des BTS, ils sont un peu plus diplômés, ils sont un peu moins à changer de

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métier parce qu'ils ont des boulots un peu plus intéressants. Ils ont des plannings plus faciles.

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Après, il y a eu la période top chef où on essayait d'être star avant d'être chef. Mais ça,

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c'est assez vite passé parce qu'ils se sont rendus compte qu'il y avait une telle marche

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entre la réalité et l'émission de télé de divertissement qui a ses mérites, mais qui n'est

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quand même qu'une émission de télé de divertissement. Et puis, aujourd'hui, j'ai moins

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d'élèves, mais des élèves plus passionnés, plus passionnants aussi, qui ont compris les enjeux et

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qui ont déjà des idées. J'ai de plus en plus d'élèves qui savent déjà qu'ils veulent monter

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un restaurant de telle manière, de telle façon, à tel endroit. Alors qu'avant, c'était pas le cas.

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Avant, c'était soit c'est parce que je veux rester à côté de chez mes parents,

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soit au contraire, je veux partir loin. Oui, parce qu'il y a quand même cette chance-là dans la

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cuisine. Exactement. Moi, c'est la raison pour laquelle j'ai choisi ce métier aussi. D'accord.

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Et surtout avec la cuisine française. Oui, c'était une époque où la cuisine française était sublime.

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Oui, on voit aujourd'hui effectivement de nombreuses émissions de cuisine débarquer sur

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le petit écran. Top chef, Cauchemar en cuisine, Master Chef. Quelles influences ont eu ces

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programmes sur les élèves, leurs attentes, leur motivation ? Alors, on a déjà un petit peu répondu,

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mais il y a vraiment eu un avant, un après? Effectivement, il y a eu un avant, un après.

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Le truc, c'est que ça a attiré certains élèves qui n'étaient pas là pour vraiment faire la

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cuisine. Et par contre, ça a donné une image assez positive de la population, mais uniquement de la

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cuisine. C'est un peu ce qui pose problème. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, un cuisinier sans

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serveur, sans personne pour le vendre, sans relation client, c'est un petit peu difficile.

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Et donc, c'est ce que je regrette un petit peu. C'est-à-dire que plutôt d'avoir mis en avant les

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chefs qui l'étaient déjà, entre guillemets, si vous prenez... On connaissait des grands chefs,

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on connaît très peu de grands maîtres d'hôtels. Et on n'en connaît pas un même.

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Je cherchais en même temps. J'ai des visages. J'ai vu récemment un reportage sur un maître d'hôtel,

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je crois, pour la Tour d'Argent, mais je n'ai pas son nom. Et c'est vrai que... Et moi, je retiens

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dans mes expériences en restaurant, je pense que la part du service est très importante. Pour avoir

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des fois mangé très bien, mais avec un service moyen, ça joue beaucoup sur la note finale.

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C'est ça.

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Et c'est vrai qu'un bon service peut influencer sur... Alors pas une cuisine moyenne, mais sur

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une cuisine correcte. C'est vrai que le service va sublimer le repas.

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Moi, je pense que c'est un vrai travail d'équipe, en fait. Et que d'avoir starifié à ce point-là le

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chef, me fait un décalage qui n'est pas très agréable et qui, du coup, peut faire penser à

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une expérience qui peut être ratée des fois. Parce qu'on se dit, oui, d'accord, j'ai super

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bien mangé, mais je ne sais pas, c'était une super ambiance. C'est important tout ça.

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Je vois par exemple, je pense qu'il ne va pas me mentir, mais que ce soit Nathan avec Solen ou

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Alexandre Couillon avec Céline, je pense que ça fonctionne, leur restaurant fonctionne parce

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qu'ils sont aussi tous les deux. Ils se sont trouvés, ils ont trouvé le bon concept, la bonne

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façon de parler, de discuter, la bonne équipe. Et aujourd'hui, les chefs seuls dans leur tour d'Ivoire

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un petit peu autoritaires, ça ne fonctionne plus parce qu'à travers le service, ça ne passe pas

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non plus. Je rebondis à une question précédente, mais effectivement, est-ce que la tendance

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aujourd'hui dans la cuisine, c'est effectivement un autre management et une autre place, et un

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travail d'équipe autre qu'avant? Evidemment, je ne vais pas vous mentir parce que moi, je suis

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devenu enseignant à cause des chefs colériques. Je suis moi-même assez difficile parfois. Il y a un

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sens du bien-faire qui me dépasse un peu, mais je n'ai pas supporté de chefs alcooliques ou

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autoritaires, malveillants. Moi j'ai vu par exemple, et ce n'était pas si longtemps que ça, il y a 35

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ans, j'ai vu des casseroles volées, des assiettes volées qui mettaient en péril même leur entreprise.

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Je me rappelle d'un restaurant sur la presqu'île d'Arvert qui a fermé depuis parce que le chef

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était tellement imbus de sa personne, en plus alcoolique et en plus colérique, fait qu'il a

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coulé sa boîte. C'était évident. Et donc, moi je n'ai pas supporté ça parce qu'en plus, on nous

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disait qu'il fallait tout supporter parce que c'est un métier passion. Et aujourd'hui, le client

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est attentif à ça aussi. Un restaurant où le chef va avoir une mauvaise réputation, moi le

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premier, ça va m'influencer sur mon choix de restaurant. Piochons, un second mot toujours dans

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la première boîte. Le premier mot était sardine. Vervaine. C'est incroyable parce que moi je

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ne supporte pas les alcools d'infusion comme ça. La verveine, ça me fait penser à ça d'abord.

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Le Puy-en-Velay, Pagès. Alors qu'ils font des super produits. Peu importe, j'étais visité

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il n'y a pas très longtemps, c'est très sympa. Mais je n'aimais pas ça. Quand j'étais gamin,

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je n'aimais pas trop ça. Aujourd'hui, je me délecte d'une petite verveine le soir, avant de me coucher,

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c'est incroyable la verveine maison. Mais plutôt en infusion. Ça me donne cette idée là, côté

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serein et tout ça. Une fois qu'on a enlevé le côté alcoolique. Ceci dit, je ne bois pas d'alcool,

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donc je ne me rends pas compte. J'aime pas ça, le génépi. Et la verveine en cuisine ? Les plantes,

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en général, c'est très intéressant. Les infusions, je trouve ça toujours incroyable. Moi,

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je suis dans une recherche, attention je vais dire des mots compliqués, de l'osmazone. L'osmazone,

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qui est l'équilibre parfait, la sublimation du goût, on va dire ça comme ça. C'est un terme.

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Ce sera un très bon nom d'émission de radio. C'est excellent. L'infusion, par exemple,

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comme la distillation ou le fait de fumer ou de dessécher, font partie de mon vocabulaire et de

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mes pratiques aujourd'hui. Et la verveine en fait partie, la verveine séchée ou la verveine qui

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sert aussi à fumer plutôt qu'à infuser, c'est aussi très intéressant. Du poisson fumé à la

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verveine, c'est incroyable. J'ai les odeurs. En plus, c'est incroyable parce que la verveine,

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il en faut si peu pour que ça fonctionne. C'est un truc de fou, c'est tellement puissant. Un plat

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comme ça en tête avec de la verveine, soit un plat qui a marqué ou un plat récent ? Justement,

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c'est un gravlax, un poisson séché, un saumon séché. Au lieu de mettre de l'aneth, on met de

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la verveine. C'est un goût beaucoup plus doux, beaucoup plus rond, presque enfantin. Ascidulé,

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bonbon? C'est un peu régressif, un peu dans le sens. Je trouve ça assez sympa. Je note. Gravlax

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de saumon à la verveine. Juste pour l'anecdote, gravlax, dans gravlax, ça veut dire saumon

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déjà. Si on dit gravelx de saumon, c'est comme si on disait un blue jean bleu. L'origine du mot

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gravlax ? C'est suédois. C'est une partie de mes petites mimiques. En tant que prof, je fais

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attention à ce que les élèves disent pomme frite et non pas frite. Ils disent pomme de terre plutôt

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que patate. Alors l'histoire de la patate et de la pomme de terre? C'est deux légumes différents.

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En fait, la patate, c'est associé à la patate douce. La pomme de terre, c'est d'autres légumes.

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C'est une déformation du langage français, de la langue française qui ont amené à cette

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confusion. On en a parlé un petit peu, mais je voudrais revenir dessus. Est-ce qu'il y a des

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personnages, des chefs qui t'ont inspiré dans ta carrière? C'est rigolo de dire ça. Le premier

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personnage qui m'a inspiré, c'est une prof. Elle s'appelait Madame Dupas, paix à son âme. Madame Dupas

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était notre prof de techno en collège. Ça paraît comme ça la préhistoire, mais en techno, on faisait

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des trucs avant. On faisait de la cuisine, de la couture. Je dois faire partie de la préhistoire

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alors aussi. On faisait du bois et tout ça. Madame Dupas nous fait faire de la cuisine. J'étais en

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cinquième, c'était à Loudun dans la Vienne. Au collège de Loudun, elle nous fait de la cuisine et

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elle nous fait faire une blanquette de veau. Cette blanquette de veau est presque le plat 1, le plat

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0 de ma passion. En faisant cette blanquette de veau, on a fait bouillir cette viande, on a fait

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un fond blanc de veau, ce jus de cuisson. Ce jus de cuisson nous dit « avant de faire la sauce,

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vous allez prendre un bol et me boire ce bouillon ». Gamins de cinquième, tout le monde a fait « c'est

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nul ». On a tous bu ce bouillon parce qu'on ne rigolait pas avec Madame Dupas. Une fois que j'ai

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bu ce bouillon, j'ai dit « c'est ça que je veux faire dans la vie ». Il s'est passé quelque chose.

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Oui, vraiment. Je faisais beaucoup de pâtisserie chez moi, parce que j'étais assez gourmand et

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puis j'aimais beaucoup manger. Par contre, le salé, c'était réservé à mamie, à maman. Ce n'était

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pas mon truc de gamin. Et quand j'ai découvert ça... Ça remontait tout de suite dans une autre

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dimension. Et cette blanquette de veau, encore aujourd'hui, j'en ai une petite émotion quand

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j'en parle. À chaque fois que je fais une blanquette de veau, je pense à Madame Dupas. Elle

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est malgré le moment morte et enterrée aujourd'hui. Ça faisait partie d'une oraison funèbre auquel

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j'ai participé. Les anciens élèves nous avaient demandé de faire quelque chose et j'ai parlé

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de ça. Ça a été dit à son enterrement. Elle avait marqué et influencé la carrière de Arnaud

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Acher. Je me pose la question vis-à-vis de mon fils. Aujourd'hui, la place de la cuisine à l'école

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et dans l'apprentissage de la vie, n'est pas apprise à l'école. En tout cas, pour ceux qui n'en

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décident pas de prendre cette orientation-là. Elle est ensuite confiée aux parents ou à la famille

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d'éduquer les enfants. Il y a toute une question, je trouve, autour de la transmission de la cuisine,

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mais même ne serait-ce que du goût et la place du goût à l'école aujourd'hui. Est-ce que tu as

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une position par rapport à ça ? C'est clair que cuisiner, on peut le voir aujourd'hui, c'est un

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acte citoyen. Quand on voit les agriculteurs ces dernières semaines qui manifestent pour avoir

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une façon de faire qui soit raisonnable. Donc cuisiner, ça fait partie des savoirs communs

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qu'on devrait avoir exactement. Le souci, c'est qu'en le confiant aux parents, il y a des parents

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qui ont moins cette appétence pour la cuisine, qui achètent beaucoup de plats hyper préparés

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ou industriels et qui n'ont pas soit le temps, soit l'argent pour pouvoir éduquer leur enfant

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correctement au goût. Et cet handicap va les courir et ça va perdurer. Alors, je n'ai pas

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envie de dire que c'était mieux avant, parce que je ne pense pas que c'était mieux avant en vrai.

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Mais c'était différent avant et c'est vrai que je regrette parfois que les élèves ne sont pas

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plus éduqués au goût. Parce qu'à travers d'être éduqués à la cuisine, c'est aussi les éduquer à

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leur façon d'acheter, à réfléchir à ce qu'on achète et comment on l'achète. Le problème avec

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ces plats hyper préparés, que les parents malheureusement, par manque de temps, par manque

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d'argent... On ne jette pas la pierre, c'est juste un constat. Voilà, c'est factuel, rien de plus.

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On ne peut plus identifier. Moi, j'habitais à la campagne et à la campagne, on identifiait

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les produits parce que c'était les légumes ou les poulets de Roger, mon voisin, c'était le gâteau

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de mamie. Et ça, pour moi, c'était important parce qu'il y avait de l'affectif avec tout ça.

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Aujourd'hui, on n'a plus d'affectif avec la nourriture. Je ne pense pas qu'un clown américain

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soit affectueux avec les enfants. Ça peut paraître un petit peu vieux jeu de dire ça,

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mais j'ai quand même l'impression qu'avoir un lien affectif avec la nourriture, c'est aussi

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important que connaître bien l'histoire de France et ainsi de suite. Ça fait partie de notre bien

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commun et il faut se le partager. Alors moi, je trouve qu'il y a un renouveau quand même. On voit

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de plus en plus de personnes, on a reçu un dans le second épisode, à refaire leur pain chez eux

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avec des blés oubliés, des blés anciens et tout ça, mais avec une attention particulière sur le

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bio, sur le local. On recevait aussi Morgan, ils ont transformé la ferme pour pouvoir continuer la

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ferme familiale, mais en installant de l'aubrac en bio. Je trouve que ça bouge, c'est mon point

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de vue, je peux me tromper, je peux l'entendre, mais j'ai quand même l'impression qu'il y a un

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retour un petit peu sur le produit. Peut-être pour une partie de la population, mais peut-être pas

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majoritairement. En fait, le problème est là, effectivement ça bouge, il y a une demande,

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pas une offre qui est de plus grande qualité. Moi, je vais très souvent au marché à la Roche,

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c'est un très beau marché et je me dis qu'on a une super offre. Le problème, c'est que les gens

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n'ont pas les moyens de pouvoir profiter de cette offre, mais c'est aussi par choix. C'est-à-dire

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qu'aujourd'hui, le budget alimentaire est passé après le budget loisir, c'est le choix de chacun,

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si on regarde le prix qu'ils mettent dans les abonnements sur les plateformes et sur leur

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abonnement téléphonique. Mais encore une fois, je ne jette pas la pierre, mais quand l'alimentaire

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ça coûte cher, moi j'ai trois enfants et je me dis qu'effectivement c'est un budget important,

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mais quand on réfléchit, moi j'ai la possibilité de pouvoir le faire, mais j'ai aussi le fait de

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cuisiner par rapport à un plat hyper préparé. Finalement, je ne le paye pas beaucoup plus cher,

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mais je passe du temps. C'est un loisir la cuisine aussi, est-ce que ce n'est pas le plus beau des

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loisirs de cuisiner? D'aller au marché, d'aller au jardin, de ramasser les légumes, aller acheter

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une viande, un poisson au marché, de cuisiner à deux mains ou à plusieurs et de le partager à

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table. Là vous prechez un convaincu, mais encore une fois, je ne peux que le regretter pour d'autres.

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Mais c'est assez drôle, je réfléchissais sur mes élèves qui arrivent en seconde et il y a

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quelques années, j'en avais un ou deux qui n'avaient jamais vraiment utilisé un économe pour

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éplucher un légume. Aujourd'hui, j'ai la majorité d'élèves qui n'ont jamais utilisé un économe,

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alors qu'ils s'intéressent à la cuisine en général. Alors comment font-ils? Ils ne font

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pas, ils n'épluchent pas des légumes à la maison. D'accord, c'est le départ, souvent c'est un peu

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le point de départ de la cuisine. C'est ce qu'on pourrait penser, mais en fait... Une fois qu'on a

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les légumes, il y a un petit épluchage qui est un peu important. Le temps passe très vite,

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on va piocher un premier mot dans la deuxième boîte. Donc on a eu sardine, on a eu verveine...

30:00

On pourrait faire un plat avec les deux. Ah ben... On va voir les mots après. Ah, gras. Alors moi,

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je vais en parler assez simplement. Pour parler du gras, moi je suis un ancien gros. C'est-à-dire

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que je faisais 165 kg il y a cinq ans. Et puis pour des raisons de santé, j'ai dû drastiquement

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tout éliminer. Donc j'ai éliminé le gras. Et donc j'ai sublimé le gras. C'est-à-dire qu'aujourd'hui,

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j'en mange très très peu. Mais par contre, je me fais plaisir. C'est-à-dire que je prends que du

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beurre de super qualité, de crème crue et ainsi de suite. Et en fait, je crois qu'il est là le

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secret. C'est-à-dire que c'est l'excès de gras qui pose problème. Aujourd'hui, on peut manger

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pas gras. Il en faut parce que vos cheveux, vos ongles, ils ont besoin de gras. C'est obligatoire.

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C'est comme la protéine. Mais on peut faire attention à ça. Et manger moins gras, c'est

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aussi possible. Alors, c'est juste un petit apprentissage. C'est juste qu'il va falloir

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s'y remettre. Parce qu'effectivement, quand c'est gras et sucré, c'est le beignet. Tout de suite,

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c'est attirant. C'est réconfortant. Le corps humain est plutôt bon récepteur à ça. C'est ça. Mais

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notre cerveau est bon récepteur à ça. Moi, je me suis beaucoup réfugié dans la nourriture plus

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jeune. Et le gras et le sucré, ça marche bien. Ça calme. C'est réconfortant. On peut faire mieux

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aujourd'hui. C'est un autre challenge. Je pense que c'est aussi très réconfortant de manger moins

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gras avec tout autant de goût. C'est ça. J'ai un truc très rigolo sur le gras. Très souvent,

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on dit que le chocolat noir, c'est mieux que le chocolat au lait. En fait, le chocolat noir est

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plus gras, donc plus calorique. D'accord. J'ai eu cette réflexion autour du fromage où les gens

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disent à moi, j'aime pas le camembert, c'est gras. Mais en termes de volume, il y a moins de gras dans

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un camembert que dans un comté. Exactement. C'est la proportion d'eau. C'est exactement ça. C'est la

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proportion d'eau. Le comté a beaucoup plus séché, a perdu l'eau. Par contre, la matière grasse est

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restée. C'est ça. Des fois, il y a des fausses idées comme ça. Je ne la connaissais pas pour le

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chocolat, mais c'est vrai que souvent pour le fromage, les gens disent que c'est un brie,

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un camembert, c'est gras. Alors non, il y a de l'eau dedans qui fait qu'à volume égal, vous allez

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manger moins gras un morceau de camembert qu'un morceau de comté ou d'une autre pâte pressée.

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Le gras, alors un plat, un souvenir avec, je ne sais pas, une viande ou un poisson. Je pense

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qu'il est présent. J'en ai deux assez rigolos sur le corps. Je fais un peu attention à ce que je

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mange, à ce que je pense. Et puis, en 2019, j'étais à Kazan, au fin fond de la Russie,

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là-bas, pour une compétition de cuisine, entre autres. Et à Kazan, on m'invite dans un restaurant

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un peu classe, un buffet, tout ça. Et c'était que des viandes fumées. Fanat de viandes fumées,

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un peu au régime. J'ai dit qu'il y a la viande fumée. Et j'en vois une qui est particulièrement,

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mais presque tellement fine et transparent et tout ça. C'est incroyable, ça, je n'ai jamais

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goûté ça. Je goûte, c'est très fumé, très bon, mais je sens qu'il y a quelque chose. J'arrive à

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trouver quelqu'un qui parle un peu anglais pour m'expliquer ce que c'est. En fait, c'est que du

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gras de porc. D'accord, c'était que du gras de porc. On a certaines charcuteries italiennes où

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il y a quand même beaucoup de gras, mais là, il n'y avait que le gras, il n'y avait même plus la

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viande. Et puis, quand j'étais élève au lycée de La Rochelle, quand j'étais gamin, j'avais un

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prof qui nous... Monsieur Vanier, j'espère qu'il m'écoutera, parce qu'il ne connaît pas cette

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histoire. Monsieur Vanier nous dit toujours, mais il faut mettre plus de beurre, il n'y a jamais

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assez de beurre, du beurre, plus du beurre, plus du beurre. Et puis, une fois, il nous demande de

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lui faire un plat un peu création autour d'un beignet. Et avec deux copains, on lui fait un

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beignet de beurre. C'est-à-dire qu'on fait congeler du beurre, c'est tout un truc. On fait

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panier deux fois, on arrive à le panier, et on fait panier de beurre sans qu'il fonde complètement.

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On fait même une sauce crème avec monté au beurre. Il goûte ça, il comprend un peu la vanne,

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mais bon, il n'avait pas vu que c'était un beignet de beurre. C'est possible d'être un beignet de beurre.

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Oui, après, l'intérêt, c'est la performance. J'avais une autre question qui est plus liée

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aux professionnels de la restauration. On a parlé d'avant, d'aujourd'hui, mais demain,

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quels sont les prochains défis à relever pour les professionnels de la restauration?

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Les prochains défis, c'est qu'il va falloir qu'on éduque les clients. Éduquer les clients,

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ça veut dire qu'il va falloir comprendre que si on arrive à manger à 22 heures, ce serait normal

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de payer un petit peu plus cher parce que le serveur, il travaille là, et le cuisinier,

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il travaille à 22 heures. Si on veut manger un dimanche, peut-être qu'on aura moins le choix

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de manger un dimanche parce que le dimanche, il y a des gens qui ont besoin d'avoir un repos,

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qui mériteraient d'être en famille ce dimanche. Il faut aussi éduquer le client pour lui faire

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comprendre que passer une heure du matin, alors que ça fait déjà une demi-heure qu'on a l'addition,

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peut-être qu'il faudrait laisser la place pour que les employés puissent aller se reposer et avoir

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une vie décente. Et être en forme pour le lendemain.

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Oui, il y a un peu de ça aussi. On nous a habitués, on a habitué les clients à ce qu'on

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soit à leur disposition, qu'on soit, que tout est tout le temps ouvert, que finalement, c'est pas très

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cher par rapport à ce qu'on paye. On n'a jamais vraiment payé le vrai prix parce que si les

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restaurateurs ne payent pas les heures supplémentaires, c'est peut-être parce que, il y a

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des restaurateurs, peut-être, ça c'est l'imagé qui se gave, moi je crois pas. J'ai beaucoup d'amis

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restaurateurs qui ont une juste gestion de leur restauration, qui ont une rémunération juste par

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rapport à leur travail. Et je me dis que c'est à nous clients de peut-être faire un peu attention

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et penser que si on arrive assez tard sans réserver, qu'on nous refuse. D'accord, on nous refuse.

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On parlait de l'apprentissage du goût et justement la place de la cantine à l'école,

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elle a un rôle dessus.

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Incroyable.

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Voilà.

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C'est incroyable. Mais encore aujourd'hui, moi j'ai trois filles. J'ai trois filles qui ont

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mangé à la cantine, dans les cantines de leur collège ou lycée respectif. Et des fois, elles me

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disent, ah oui, non mais c'est bon ça, mais ça vaut pas celui de la cantine. Parce qu'en fait,

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ça correspond plus à leur envie, leur goût. Je parle de, des fois, moi j'ai tendance à faire,

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à rendre gastronomique n'importe quel plat, à tel point qu'ils disent, oui c'est bien,

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mais c'était bon aussi à la cantine. Et donc, c'est ça qui est assez rigolo. Par exemple,

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on va prendre un exemple simple sur le cordon bleu. Le cordon bleu, moi je fais des cordons

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bleus des fois à mes enfants avec une super viande de veau, un super fromage, un jambon

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d'artisan, pané moi-même et tout ça. Ah oui, c'est bon papa, super. Mais le cordon bleu de la

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cantine, c'était bon aussi. Quels sont les critères qui vont faire qu'on va trouver ça bon ou pas

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bon? Il y a plein de choses. Alors effectivement, il y a la qualité, il y a la réalisation,

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la cuisson, tout ça. Mais il y a aussi, peut-être que c'était un midi avec les copines à table.

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Et c'était le moment, l'environnement, l'envie. Des fois, on parlait tout à l'heure de sardines,

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mais moi je me rappelle quand j'étais gamin, ma grand-mère faisait des croque-monsieur assez

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bizarre parce qu'en fait, elle faisait avec de la biscotte. C'est-à-dire qu'elle noyait dans

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la béchamel des biscottes, elle mettait vaguement du jambon et du fromage et remettait du fromage.

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Alors c'était gratin. Elle appelait ça croque-monsieur, ce n'était pas des croque-monsieur,

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mais c'était d'une simplicité, c'était un truc incroyable. Moi j'en ai un souvenir ému. Après,

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j'ai eu l'occasion de manger du croque-monsieur avec du pain de mie maison, d'un grand boulanger,

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avec du jambon, de la truffe et tout ça. C'était bon, mais ce n'est pas mamie qui l'avait fait.

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C'était pas mamie. C'est ça, je trouve la puissance du cerveau et du souvenir dans le goût,

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dans l'appréciation d'un plat est quand même assez fou. On y mélange des souvenirs,

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on y mélange des sentiments, des émotions qui des fois peuvent rivaliser avec la qualité du produit.

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C'est presque pas raisonnable, en tout cas pas quantifiable ce côté-là. C'est qu'effectivement,

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le moment, des fois un pauvre sandwich mangé avec copain, on a beaucoup plus de plaisir

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qu'un resto un peu gastro où on s'ennuie. On poursuit régulièrement des émissions de

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cuisine et tout. Les chefs souvent ont des mots par rapport à un souvenir d'un plat.

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Je sais pas, c'était François-Régis Gaudry qui nous parle du riz au lait de sa mère.

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Et de réussir à vouloir absolument à réussir à le faire et à ne pas y arriver parce que

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parce que maman n'est pas là. Mon père, il adorait le riz au lait au chocolat de sa grand-mère. Et

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donc régulièrement pour faire plaisir à mon père, il a 75 ans, 76 ans, j'ai fait du riz au lait. Il

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me dit « Non mais il est super bon ton riz au lait ». Il est pas aussi bon que sa mamie. Alors

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qu'en plus, sa grand-mère quand elle le faisait, elle faisait du cacao pas bon. Moi j'en fais avec

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du chocolat de couverture de chez Valrhona, un truc de ouf. Mais parce que voilà. Le souvenir.

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La saveur, c'est pas uniquement une qualité organoleptique du plat à ce moment-là,

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c'est aussi un environnement, c'est aussi un moment et un moment dans sa vie aussi,

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un souvenir. C'est large. C'est la thématique un peu de l'émission. Le temps passe très vite,

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mais j'ai quand même envie qu'on pioche un quatrième mot dans la deuxième boîte.

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On a eu gras, on a eu sardine, on a eu verveine. Mariné. Alors voilà, ça c'est l'essence même

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de ce que je cuisine aujourd'hui. C'est-à-dire que vraiment, c'est aussi un peu une éloge de

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la lenteur. C'est-à-dire que le gras, c'est rapide. Le mariné, c'est lent. Le fumé, c'est lent. Le

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séché, c'est lent. Et aujourd'hui, j'ai 52 ans et je me dis, j'ai du temps. C'est drôle parce

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qu'en fait, on peut se dire que plus le temps passe, plus on en a. Mais en fait, plus on en a du

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temps. En tout cas, plus on apprécie ce temps posé. Oui, la valeur du temps. C'est ça, la valeur du

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temps. Mais aussi parce qu'il file aussi. Il file, mais justement, on se dit tant pis, je vais prendre

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le temps et c'est un vrai plaisir parce qu'on sait le prix, la valeur du temps. Là, je suis en train de

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mettre au point ma magret séché. J'essaie de faire ma magret séché. Et je me suis aperçu que trois

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semaines, ça ne suffit pas pour qu'il sèche. Donc, je vais le faire sécher une quatrième semaine. Mais

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j'en rêve depuis trois semaines de le goûter ce magret. Après, j'aimerais bien le faire fumer et

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tout ça pour que ça soit super. Mais je me dis, voilà, c'est ça qui est génial. C'est qu'il y a

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encore une semaine. Pas grave. Parce que c'est chouette. Ça fait écho. Alors, pour ce fait, Morgane

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et Kino, justement, avaient le même rapport par rapport à la viande. On disait, ben oui, c'est

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chouette. Une belle entrecôte, revenue, grillée, c'est bon. Mais un bœuf bourguignon, un pâle rond

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confit. Et effectivement, cette notion du temps qu'on va passer en cuisine est très importante

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aussi. En fait, ça marche aussi pour tout. On a l'impression que moi, je vois les gamins d'aujourd'hui,

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on parlait de Top Chef tout à l'heure, qui veulent aller vite, qui veulent aller fort et tout ça.

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J'ai envie de leur dire, laissez mariner aussi votre savoir. Ça va arriver.

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Je dis souvent, on peut mettre tous les engrais qu'on veut, mais pour faire un

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chaîne centenaire, il faut 100 ans. C'est très beau. Et il est l'heure bientôt de se quitter.

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J'ai une question que je pose tout le temps à mes invités. Demain, vous êtes invité au restaurant

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et vous choisissez le menu de vos rêves. Vous avez les meilleurs chefs à votre disposition,

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les meilleurs aliments, une entrée, un plat, un dessert. Alors moi, ce que j'aimerais manger en

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plat, c'est le saumon à l'oseille des Trois Gros. C'est un plat qui est mythique parce que c'est pas

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seulement d'associer du saumon et de l'oseille, mais c'est les premiers qui ont su faire du poisson,

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du saumon à juste cuisson. Il était cuisiné à 70 degrés. Aujourd'hui, ça paraît important.

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C'est évident que les grands chefs cuisinent le poisson à leur bonne température selon le type de

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poisson. Mais à l'époque, dans les années 60-70, ce n'était pas du tout ça. Tout le poisson était

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surcuit. C'est aussi pour ça que personne n'aimait vraiment le poisson à l'époque. Aujourd'hui,

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j'aimerais pouvoir manger de ça. J'aimerais quand même être servi par Paul Bocuse d'une soupe VGE,

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le côté bouillon de viande un peu riche avec cette truffe, ce foie gras. VGE, Valéry Giscard d'Estaing.

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Qui a été servi à l'occasion de la Légion d'honneur de Bocuse, mais c'est aussi pour pouvoir

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rencontrer Bocuse. Pour pouvoir lui dire, tu as créé un truc. Il y a des chefs qui ont été moyens

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parce qu'ils t'ont suivi à la lettre dans cette relation homme-femme qui n'était pas classe.

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Mais par contre, tu as pu permettre que ça change aussi. Donc il y a aussi quelque chose là-dedans.

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Et puis un dessert qui me fait rêver, c'est un dessert assez bizarre, c'est retrouver le beignet

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aux pommes de ma grand-mère. Mamie Paulette qui me faisait des beignets de pommes, je ne sais pas

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pourquoi des fois, elle prenait l'idée de dire, ce soir on mange beignet aux pommes, mais c'était

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le repas. Elle nous faisait des beignets aux pommes et on mangeait que ça. Des beignets aux pommes,

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donc du gras, du sucré, des pommes mamie. C'est top. Ok, c'est beau. Merci Arnaud. On peut te

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suivre sur les réseaux ? Tu es un petit peu présent de temps en temps, un peu Instagram,

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un peu LinkedIn ? Oui, en général que du professionnel. On peut me suivre sur des réseaux,

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particulièrement à mes activités de coaching pour l'équipe de France pour les WorldSkills,

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mais on peut trouver aussi au lycée Branly. Venez nous voir au lycée Branly aussi,

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on est régulièrement ouvert aux clients des midis, des soirs. Il y a un restaurant d'application?

44:35

Il y a un restaurant d'application, on a même trois. Trois restaurants d'application. Voilà,

44:38

et donc n'hésitez pas à venir nous voir, participer aussi à la formation de futurs

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chefs et de futurs serveurs. Très bien, merci Arnaud, à bientôt. A bientôt, merci. Je remercie

44:49

toutes les personnes qui m'ont aidé à réaliser cette émission. Vous pouvez suivre les aventures

44:52

de Saveur sur les réseaux sociaux. On se donne rendez-vous dans un mois et d'ici là,

44:56

je vous invite à tendre l'oreille sur Graffiti pour retrouver chaque semaine une nouvelle capsule

45:01

de Saveur. Si vous souhaitez soutenir ce programme, vous pouvez laisser un commentaire sur les

45:05

plateformes de podcast et mettre aussi 5 étoiles. Je vous souhaite un bon appétit, de bons repas et

45:10

de jolis plats. A bientôt!