La cuisine c'est quoi ? C'est la satisfaction d'une recette exécutée avec brio ? C'est
faire des plats savoureux que l'on partage avec les amis et la famille ? C'est se réunir
autour d'une belle table ? Mais c'est aussi pour se nourrir ? Et c'est aussi de la transmission ?
La transmission du goût ? La transmission de la technique ? La transmission du savoir ?
C'est la voie qu'a choisie mon invité. Il est professeur de cuisine au lycée Branly
à la Roche-sur-Yon. Aujourd'hui c'est Arnaud Acher qui s'assoit à la table de saveurs.
Les sardines grillées au barbecue avec les amis? La branche de céleri dans le jus de
tomate au Canada? L'accord de la cerise avec le poivre de Timut? Notre alimentation
est source de nombreux souvenirs et d'émotions. Plongez dans les souvenirs gustatifs des invités.
Des mots, des aliments, des plats et des émotions. Une émission pour vous donner envie de passer
à table ou au fourneau. Saveurs, à vos papilles, une émission qui vous fera saliver.
Bonjour Arnaud. Bonjour. Une première question avant de piocher les mots dans la boîte.
La cuisine est l'activité de tous les sens. L'odorat, le goût, la vue, l'ouïe et le
toucher. Quel est le premier de ces sens qui t'a amené à la cuisine ? Moi clairement
c'est... C'est drôle de dire ça. C'est surtout le goût en fait. J'ai toujours aimé les
bonnes choses et je n'ai pas su trouver dans mon entourage familial, ma mère va me tuer,
le bon goût comme je le souhaitais. Et donc il y a un moment il a fallu que je m'y mette. Donc
c'est une quête du goût. C'est ça. Les autres sens sont arrivés après. La place des autres
sens dans la cuisine ? En fait c'est assez compliqué parce que tout fait partie de cette
art ou de cette activité. Le simple fait de penser une recette ou de prévoir une recette,
de penser avec qui on va la partager ou pour qui on va la faire, fait partie déjà du travail et du
plaisir. Et moi aujourd'hui qui ai un petit peu de bouteille, je me rends compte que finalement
c'est plus important presque d'y penser avant que d'y être pendant. Le plaisir est plus grand lors
de la réflexion que lors de la réalisation. C'est le travail de l'imaginaire qui nourrit
tous ces sens-là. C'est ça parce qu'en fait la cuisine c'est quand même un art assez éphémère.
On cuisine longtemps, on réfléchit souvent et on déguste rapidement. Et je me suis rendu compte
que finalement le plaisir que je pouvais atteindre était pour moi et pas dans les remerciements ou
les « hum c'est bon » mais plutôt personnel. Et plus ça va, plus je me dis que l'idée même de
faire de la cuisine m'enjoua plus que finalement la satisfaction de la cuisine faite. C'est très
intéressant. Alors c'est quoi ? C'est le fait d'avoir réussi avec brio une recette ou d'avoir
réussi à trouver l'accord parfait ? D'avoir trouvé une nouvelle recette ou d'avoir exécuté une
recette peut-être un grand classique de la cuisine française ? C'est un petit peu tout ça mais c'est
vrai que la rencontre de la bonne personne avec la bonne recette c'est aussi le truc que je
recherche de plus en plus. Alors c'est vrai qu'aujourd'hui je suis dans une recherche d'accentuer
la saveur en diminuant la matière grasse, le sucre. Donc à chaque fois que ça fonctionne et
que les gens disent « ah bah oui finalement la mousse au chocolat sans œufs ça marche, c'est
plutôt bon », et bien je me dis « bim, ça a marché ». Ok, c'est des petits challenges comme ça sur
des choses comme ça. Je t'invite à ouvrir la première boîte donc pour les auditeurs qui nous
rejoignent dans cette émission. L'invité dispose de deux boîtes devant lui dans lesquelles il y a
des mots. Une boîte plus axée sur les aliments et une deuxième boîte plutôt sur le vocabulaire
de la gastronomie et sur les techniques de cuisine. A toi Arnaud. Ah oui,
on peut faire quatre heures d'émission tranquillement. C'est rigolo ça, la sardine.
La sardine. Alors en fait la sardine j'ai mis longtemps à ne pas aimer ça. Je n'aimais vraiment
pas ça quoi parce qu'en fait j'ai travaillé dans des établissements à l'île de Ré étant jeune
et la sardine faisait partie vraiment de la spécialité de la maison. C'était même une
place signature à un restaurant que je travaillais. Donc j'étais du côté cuisine et ce n'est pas
plaisant à travailler quand on en travaille des kilos. Par contre une fois adulte quand j'ai
découvert que la sardine c'est un truc simple et compliqué et je me suis dit c'est génial.
Et je me rappelle de souvenirs simples entre amis en fin fond de la Finlande avec une boîte
de sardines de Saint-Gilles-Croix-de-Vie que je leur avais ramené et on s'est mangé ça sur un
rocher en faisant un feu sur la mer glacée. C'était incroyable et on s'est retrouvé autour
d'une sardine et je me suis dit c'est si simple mais si bon. Alors ça pourrait presque être un
fil rouge dans tous les épisodes de Saveur. A chaque fois on parle effectivement de la
simplicité. La force de la simplicité dans la cuisine d'avoir peut-être l'aliment juste,
cuisiné comme il faut et aussi la difficulté de faire simple aussi des fois. C'est exactement ça
en fait. Je me suis rendu compte que plus j'avance dans mes compétences en cuisine, plus je cherche
la simplicité. Et moi je suis un assez grand voyageur et je voyage beaucoup sur les pays du
nord de l'Europe où j'apprécie beaucoup. Et en fait comme ils ont assez peu d'histoire culinaire,
ils se sont basés uniquement sur le produit. Et j'ai pu manger par exemple du saumon qui venait
juste de frayer, donc qui était très très maigre, fumé au sauna. C'était des choses incroyables et
finalement quand on réfléchit c'est assez simple. Et on dit souvent que la cuisine française est la
meilleure au monde ou en tout cas une des meilleures au monde. C'était la question que
j'allais poser. Quand on voyage, quelle est la place de la cuisine française ? En fait c'est pas tant
le nom de cuisine française qui est la meilleure au monde, c'est la façon de penser la cuisine.
C'est qu'aujourd'hui on s'est affranchi de tous ces artifices ou de plus en plus en tout cas du
masquage. Si on prend la cuisine indienne, la cuisine asiatique en règle générale ou américaine ou
même afro-américaine, on s'aperçoit que cette cuisine est une cuisine de masquage où on va
masquer les saveurs pour pouvoir en rajouter. Et puis nous ça fait longtemps, c'est bizarre ce que
je vais dire, mais c'est Descartes qui a débroussiré la cuisine, qui en disant « je pense donc je suis »,
c'est à dire que ce n'est pas ce que je mange qui me rend meilleur, ce n'est pas ce que je suis qui
me rend meilleur, mais ce que je pense. Donc on va séparer le corps et l'esprit. Une fois qu'on a
dit ça, on n'a plus besoin de manger des épices pour être meilleur, de manger des ailerons de
requin pour être plus fertile et ainsi de suite. On s'affranchit de tout ça et on simplifie ça.
Et la cuisine de Scandinave particulièrement, qui est une cuisine sans histoire, c'est à dire qu'il
n'y a pas une histoire de la gastronomie comme on peut avoir en Europe ou en France. Ils se sont
affranchis de tout ça, ils ont dit que le produit, uniquement le produit, si on regarde aujourd'hui,
tous les concours du monde, les meilleurs cuisiniers du monde, tous ceux-là viennent
de Scandinavie. C'est terminé la France. La France n'est plus sur le podium. Regardez-les,
tout simplement le Bocuse d'Or qui est quand même le meilleur concours. Là il y a eu quelques fois
quelques Français, mais le podium, il est uniquement Scandinave. Norvège, Suède, Islande,
c'est incroyable. C'est une question aussi que je voulais te poser, c'est justement,
est-ce qu'il y a des tendances dans la cuisine? Alors depuis Descartes, j'imagine qu'on est
passé par plusieurs tendances, mais aujourd'hui, est-ce qu'il y a une tendance sur la cuisine? Est-ce
qu'on peut la définir ? Est-ce qu'on peut présenter un peu la tendance ? On a parlé effectivement
peut-être d'une période où on allait beaucoup sur les épices, beaucoup sur des cuisines peut-être
complexes. Aujourd'hui, on est peut-être plus sur une cuisine, alors la simplicité, mais peut-être
sur la technique. On a eu l'époque de la cuisine moléculaire. Il y a toujours eu des mouvements
dans la cuisine. Alors la cuisine moléculaire, pour info, ça n'a pas duré très longtemps. Non,
c'est vrai. On s'est vite rendu compte qu'ajouter autant d'additifs sur un produit, ça avait quand
même assez peu d'intérêt. Moi ce que je pense, c'est qu'aujourd'hui la cuisine, elle est surtout
liée à un territoire et à une personne. Et finalement, selon là où on est, on va avoir
une superbe cuisine par rapport à ce qu'on a à côté de nous. Il n'y a plus de cuisine vraiment
universelle. Vous prenez le restaurant étoilé de La Roche-sur-Yon, on va dire Les Reflets par
exemple, qui a vraiment sa cuisine. Je peux très bien en parler, je l'ai eu comme élève. Donc
Nathan, en discutant avec lui aujourd'hui, avec ses voyages, avec ses rencontres ici à la Roche-sur-Yon
en Vendée, il s'est forgé une culture culinaire qui fait que son restaurant est étoilé aujourd'hui
à la Roche-sur-Yon parce qu'il a su trouver sa cuisine avec les produits qu'il avait autour de
lui. Je pense que c'est ça la vraie tendance, ce n'est pas aller chercher des produits incroyables,
c'est travailler son produit. Moi, une des meilleures émotions de cuisine que j'ai dans
un restaurant, c'est à La Marine, à Noirmoutier. Et Alexandre Couillon m'a fait du merlan. Alors,
dit comme ça, pour ceux qui vont nous écouter, le merlan, c'est un poisson le plus simple,
un des plus bas de gamme, on pourrait dire. Sauf qu'il a réussi à le sublimer par une cuisson
parfaite, une juste température, une ambiance, une association de saveurs avec le melon de son jardin
qui avait fait un peu un pickle. J'ai été littéralement sur les fesses parce que je me
suis dit, avoir autant d'émotions avec un simple merlan, je me dis, c'est bon, il a gagné lui.
Et ça, c'est ça qui est assez... D'autres exemples, j'ai un peu coupé, mais j'ai eu
l'occasion aussi de manger chez Trois Gros qui était mon idole d'enfance, c'est la raison pour
laquelle presque j'ai appris à cuisiner. Et chez Trois Gros, j'ai mangé de la truffe, du foie gras,
du... C'était incroyable. Sauf que j'ai mangé des produits exceptionnels en eux-mêmes. Donc,
bien aussi, mais aujourd'hui, je pense que la vraie tendance, c'est sublimer des produits
qu'on a à côté chez soi. Alors, tu as cité Nathan, premier étoilé de la Roche-sur-Yon,
avec qui j'ai eu l'occasion de discuter il n'y a pas très longtemps. On le recevait dans l'émission
d'un confrère, Tous à table. Et d'ailleurs, je vous invite à goûter le vinaigre qu'il a fait.
Je ne sais pas si tu as eu l'occasion. J'ai trouvé ça délicieux. Je vous invite aussi à aller
discuter avec Nathan, c'est vraiment une personne, je trouve, aussi passionnante et passionnée par la
cuisine. Et on parlait justement un petit peu de tradition et tout. Et la Roche-sur-Yon n'est
pas une ville de tradition gastronomique. Enfin, je ne sais pas, on n'a pas eu d'étoilé avant.
Même la Vendée, on s'est arrivé tard. Je pense qu'on peut remercier Alexandre Couillon,
je pense, tous les jours pour tout le travail qu'il a fait et d'avoir apporté ses trois étoiles en
Vendée. Je pense qu'il a fait bouger les choses aussi en Vendée autour de la gastronomie. Parce
qu'on a beaucoup d'aliments. On parle effectivement de la sardine. On a quand même des produits
comme ça. Peut-être qu'il a fallu attendre ce moment où les gens sont plus allés chercher le
produit local et vont chercher à le sublimer. Parce que ça, on n'est pas des producteurs de
foie gras ou de truffes. Pourtant, on a beaucoup de foie gras. Oui, c'est vrai. On a beaucoup de
canards. Par contre, moi, je serais aussi à remercier Thierry Drapeau, l'ancien chef de la
Chaboterie, qui était le premier à mettre un grand coup de pied ici. J'ai gardé une amitié,
une sensibilité auprès de Thierry Drapeau parce que j'ai trouvé que c'était quelqu'un qui était
extrêmement sensible à son territoire. Aujourd'hui, il est sous d'autres cieux. Il est parti en Asie,
à Saigon. Il a un superbe restaurant a priori. Il vient d'avoir un autre macaron. C'est incroyable.
Mais c'est aussi des gens comme ça qui, de temps en temps, ont un petit peu déprousséré les trucs.
Mais en Vendée, il y a quand même aussi Lionel Guilbaud qui a fait des choses avec Les Petits
Ventres de Terre. Il a inventé des choses. Il a tenté des trucs. Moi, je suis admiratif de ces
gens-là parce qu'effectivement, la Vendée n'était pas une tradition de grande cuisine, malgré que
ce soit une tradition de grande zone touristique. Mais aujourd'hui, par cette simplicité, par aussi
la mise à jour des agriculteurs qui ont vraiment sorti aussi leur zone de confort pour faire des
produits de meilleure qualité, tout ça a fonctionné. Je prends des entreprises incroyables
comme l'entreprise Vrignaud, par exemple, à Luçon, qui propose des choses depuis 200 ans. Mais moi,
quand j'ai découvert ça il y a 25 ans, je me suis dit « mais pourquoi ce n'est pas plus connu que
ça? ». Donc, ça y est, ça avance. J'ai une bonne anecdote sur Nathan. Vous la voulez ? Quand
il était élève. Je ne sais pas s'il sera d'accord, mais tant pis. Quand il était élève, il est
arrivé en France assez tard. Il est gallois. Donc, il parlait français assez approximatif au début.
Et sur un devoir, il m'écrit « il faut purifier la pomme de terre ». Donc, je lis à haute voix
« purifier la pomme de terre ». Il m'a dit « oui, on la réduit en purée ». C'est le premier grand
souvenir que j'ai de Nathan. Finalement, après l'avoir purifié, il l'a sublimé. J'ai plein de
questions à poser. On a plein de mots à piocher, mais on parlait effectivement des élèves. À quel
avenir professionnel rêvent les étudiants en poussant les portes de votre établissement?
Alors, c'est drôle parce qu'il y a 25 ans, quand j'ai commencé, les élèves se rendaient bien
compte qu'il y avait un marché local sur la cuisine et la restauration. Donc, ils se disaient
« je suis bien attaché à la Vendée, j'ai bien envie d'y rester et ce métier-là me permettra de
le faire ». Après, les conditions de travail dans certains restaurants étaient si compliquées que
ça pouvait être délicat. Il y avait des changements. Moi, comme je m'occupe particulièrement des bacs
technologiques et des BTS, ils sont un peu plus diplômés, ils sont un peu moins à changer de
métier parce qu'ils ont des boulots un peu plus intéressants. Ils ont des plannings plus faciles.
Après, il y a eu la période top chef où on essayait d'être star avant d'être chef. Mais ça,
c'est assez vite passé parce qu'ils se sont rendus compte qu'il y avait une telle marche
entre la réalité et l'émission de télé de divertissement qui a ses mérites, mais qui n'est
quand même qu'une émission de télé de divertissement. Et puis, aujourd'hui, j'ai moins
d'élèves, mais des élèves plus passionnés, plus passionnants aussi, qui ont compris les enjeux et
qui ont déjà des idées. J'ai de plus en plus d'élèves qui savent déjà qu'ils veulent monter
un restaurant de telle manière, de telle façon, à tel endroit. Alors qu'avant, c'était pas le cas.
Avant, c'était soit c'est parce que je veux rester à côté de chez mes parents,
soit au contraire, je veux partir loin. Oui, parce qu'il y a quand même cette chance-là dans la
cuisine. Exactement. Moi, c'est la raison pour laquelle j'ai choisi ce métier aussi. D'accord.
Et surtout avec la cuisine française. Oui, c'était une époque où la cuisine française était sublime.
Oui, on voit aujourd'hui effectivement de nombreuses émissions de cuisine débarquer sur
le petit écran. Top chef, Cauchemar en cuisine, Master Chef. Quelles influences ont eu ces
programmes sur les élèves, leurs attentes, leur motivation ? Alors, on a déjà un petit peu répondu,
mais il y a vraiment eu un avant, un après? Effectivement, il y a eu un avant, un après.
Le truc, c'est que ça a attiré certains élèves qui n'étaient pas là pour vraiment faire la
cuisine. Et par contre, ça a donné une image assez positive de la population, mais uniquement de la
cuisine. C'est un peu ce qui pose problème. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, un cuisinier sans
serveur, sans personne pour le vendre, sans relation client, c'est un petit peu difficile.
Et donc, c'est ce que je regrette un petit peu. C'est-à-dire que plutôt d'avoir mis en avant les
chefs qui l'étaient déjà, entre guillemets, si vous prenez... On connaissait des grands chefs,
on connaît très peu de grands maîtres d'hôtels. Et on n'en connaît pas un même.
Je cherchais en même temps. J'ai des visages. J'ai vu récemment un reportage sur un maître d'hôtel,
je crois, pour la Tour d'Argent, mais je n'ai pas son nom. Et c'est vrai que... Et moi, je retiens
dans mes expériences en restaurant, je pense que la part du service est très importante. Pour avoir
des fois mangé très bien, mais avec un service moyen, ça joue beaucoup sur la note finale.
C'est ça.
Et c'est vrai qu'un bon service peut influencer sur... Alors pas une cuisine moyenne, mais sur
une cuisine correcte. C'est vrai que le service va sublimer le repas.
Moi, je pense que c'est un vrai travail d'équipe, en fait. Et que d'avoir starifié à ce point-là le
chef, me fait un décalage qui n'est pas très agréable et qui, du coup, peut faire penser à
une expérience qui peut être ratée des fois. Parce qu'on se dit, oui, d'accord, j'ai super
bien mangé, mais je ne sais pas, c'était une super ambiance. C'est important tout ça.
Je vois par exemple, je pense qu'il ne va pas me mentir, mais que ce soit Nathan avec Solen ou
Alexandre Couillon avec Céline, je pense que ça fonctionne, leur restaurant fonctionne parce
qu'ils sont aussi tous les deux. Ils se sont trouvés, ils ont trouvé le bon concept, la bonne
façon de parler, de discuter, la bonne équipe. Et aujourd'hui, les chefs seuls dans leur tour d'Ivoire
un petit peu autoritaires, ça ne fonctionne plus parce qu'à travers le service, ça ne passe pas
non plus. Je rebondis à une question précédente, mais effectivement, est-ce que la tendance
aujourd'hui dans la cuisine, c'est effectivement un autre management et une autre place, et un
travail d'équipe autre qu'avant? Evidemment, je ne vais pas vous mentir parce que moi, je suis
devenu enseignant à cause des chefs colériques. Je suis moi-même assez difficile parfois. Il y a un
sens du bien-faire qui me dépasse un peu, mais je n'ai pas supporté de chefs alcooliques ou
autoritaires, malveillants. Moi j'ai vu par exemple, et ce n'était pas si longtemps que ça, il y a 35
ans, j'ai vu des casseroles volées, des assiettes volées qui mettaient en péril même leur entreprise.
Je me rappelle d'un restaurant sur la presqu'île d'Arvert qui a fermé depuis parce que le chef
était tellement imbus de sa personne, en plus alcoolique et en plus colérique, fait qu'il a
coulé sa boîte. C'était évident. Et donc, moi je n'ai pas supporté ça parce qu'en plus, on nous
disait qu'il fallait tout supporter parce que c'est un métier passion. Et aujourd'hui, le client
est attentif à ça aussi. Un restaurant où le chef va avoir une mauvaise réputation, moi le
premier, ça va m'influencer sur mon choix de restaurant. Piochons, un second mot toujours dans
la première boîte. Le premier mot était sardine. Vervaine. C'est incroyable parce que moi je
ne supporte pas les alcools d'infusion comme ça. La verveine, ça me fait penser à ça d'abord.
Le Puy-en-Velay, Pagès. Alors qu'ils font des super produits. Peu importe, j'étais visité
il n'y a pas très longtemps, c'est très sympa. Mais je n'aimais pas ça. Quand j'étais gamin,
je n'aimais pas trop ça. Aujourd'hui, je me délecte d'une petite verveine le soir, avant de me coucher,
c'est incroyable la verveine maison. Mais plutôt en infusion. Ça me donne cette idée là, côté
serein et tout ça. Une fois qu'on a enlevé le côté alcoolique. Ceci dit, je ne bois pas d'alcool,
donc je ne me rends pas compte. J'aime pas ça, le génépi. Et la verveine en cuisine ? Les plantes,
en général, c'est très intéressant. Les infusions, je trouve ça toujours incroyable. Moi,
je suis dans une recherche, attention je vais dire des mots compliqués, de l'osmazone. L'osmazone,
qui est l'équilibre parfait, la sublimation du goût, on va dire ça comme ça. C'est un terme.
Ce sera un très bon nom d'émission de radio. C'est excellent. L'infusion, par exemple,
comme la distillation ou le fait de fumer ou de dessécher, font partie de mon vocabulaire et de
mes pratiques aujourd'hui. Et la verveine en fait partie, la verveine séchée ou la verveine qui
sert aussi à fumer plutôt qu'à infuser, c'est aussi très intéressant. Du poisson fumé à la
verveine, c'est incroyable. J'ai les odeurs. En plus, c'est incroyable parce que la verveine,
il en faut si peu pour que ça fonctionne. C'est un truc de fou, c'est tellement puissant. Un plat
comme ça en tête avec de la verveine, soit un plat qui a marqué ou un plat récent ? Justement,
c'est un gravlax, un poisson séché, un saumon séché. Au lieu de mettre de l'aneth, on met de
la verveine. C'est un goût beaucoup plus doux, beaucoup plus rond, presque enfantin. Ascidulé,
bonbon? C'est un peu régressif, un peu dans le sens. Je trouve ça assez sympa. Je note. Gravlax
de saumon à la verveine. Juste pour l'anecdote, gravlax, dans gravlax, ça veut dire saumon
déjà. Si on dit gravelx de saumon, c'est comme si on disait un blue jean bleu. L'origine du mot
gravlax ? C'est suédois. C'est une partie de mes petites mimiques. En tant que prof, je fais
attention à ce que les élèves disent pomme frite et non pas frite. Ils disent pomme de terre plutôt
que patate. Alors l'histoire de la patate et de la pomme de terre? C'est deux légumes différents.
En fait, la patate, c'est associé à la patate douce. La pomme de terre, c'est d'autres légumes.
C'est une déformation du langage français, de la langue française qui ont amené à cette
confusion. On en a parlé un petit peu, mais je voudrais revenir dessus. Est-ce qu'il y a des
personnages, des chefs qui t'ont inspiré dans ta carrière? C'est rigolo de dire ça. Le premier
personnage qui m'a inspiré, c'est une prof. Elle s'appelait Madame Dupas, paix à son âme. Madame Dupas
était notre prof de techno en collège. Ça paraît comme ça la préhistoire, mais en techno, on faisait
des trucs avant. On faisait de la cuisine, de la couture. Je dois faire partie de la préhistoire
alors aussi. On faisait du bois et tout ça. Madame Dupas nous fait faire de la cuisine. J'étais en
cinquième, c'était à Loudun dans la Vienne. Au collège de Loudun, elle nous fait de la cuisine et
elle nous fait faire une blanquette de veau. Cette blanquette de veau est presque le plat 1, le plat
0 de ma passion. En faisant cette blanquette de veau, on a fait bouillir cette viande, on a fait
un fond blanc de veau, ce jus de cuisson. Ce jus de cuisson nous dit « avant de faire la sauce,
vous allez prendre un bol et me boire ce bouillon ». Gamins de cinquième, tout le monde a fait « c'est
nul ». On a tous bu ce bouillon parce qu'on ne rigolait pas avec Madame Dupas. Une fois que j'ai
bu ce bouillon, j'ai dit « c'est ça que je veux faire dans la vie ». Il s'est passé quelque chose.
Oui, vraiment. Je faisais beaucoup de pâtisserie chez moi, parce que j'étais assez gourmand et
puis j'aimais beaucoup manger. Par contre, le salé, c'était réservé à mamie, à maman. Ce n'était
pas mon truc de gamin. Et quand j'ai découvert ça... Ça remontait tout de suite dans une autre
dimension. Et cette blanquette de veau, encore aujourd'hui, j'en ai une petite émotion quand
j'en parle. À chaque fois que je fais une blanquette de veau, je pense à Madame Dupas. Elle
est malgré le moment morte et enterrée aujourd'hui. Ça faisait partie d'une oraison funèbre auquel
j'ai participé. Les anciens élèves nous avaient demandé de faire quelque chose et j'ai parlé
de ça. Ça a été dit à son enterrement. Elle avait marqué et influencé la carrière de Arnaud
Acher. Je me pose la question vis-à-vis de mon fils. Aujourd'hui, la place de la cuisine à l'école
et dans l'apprentissage de la vie, n'est pas apprise à l'école. En tout cas, pour ceux qui n'en
décident pas de prendre cette orientation-là. Elle est ensuite confiée aux parents ou à la famille
d'éduquer les enfants. Il y a toute une question, je trouve, autour de la transmission de la cuisine,
mais même ne serait-ce que du goût et la place du goût à l'école aujourd'hui. Est-ce que tu as
une position par rapport à ça ? C'est clair que cuisiner, on peut le voir aujourd'hui, c'est un
acte citoyen. Quand on voit les agriculteurs ces dernières semaines qui manifestent pour avoir
une façon de faire qui soit raisonnable. Donc cuisiner, ça fait partie des savoirs communs
qu'on devrait avoir exactement. Le souci, c'est qu'en le confiant aux parents, il y a des parents
qui ont moins cette appétence pour la cuisine, qui achètent beaucoup de plats hyper préparés
ou industriels et qui n'ont pas soit le temps, soit l'argent pour pouvoir éduquer leur enfant
correctement au goût. Et cet handicap va les courir et ça va perdurer. Alors, je n'ai pas
envie de dire que c'était mieux avant, parce que je ne pense pas que c'était mieux avant en vrai.
Mais c'était différent avant et c'est vrai que je regrette parfois que les élèves ne sont pas
plus éduqués au goût. Parce qu'à travers d'être éduqués à la cuisine, c'est aussi les éduquer à
leur façon d'acheter, à réfléchir à ce qu'on achète et comment on l'achète. Le problème avec
ces plats hyper préparés, que les parents malheureusement, par manque de temps, par manque
d'argent... On ne jette pas la pierre, c'est juste un constat. Voilà, c'est factuel, rien de plus.
On ne peut plus identifier. Moi, j'habitais à la campagne et à la campagne, on identifiait
les produits parce que c'était les légumes ou les poulets de Roger, mon voisin, c'était le gâteau
de mamie. Et ça, pour moi, c'était important parce qu'il y avait de l'affectif avec tout ça.
Aujourd'hui, on n'a plus d'affectif avec la nourriture. Je ne pense pas qu'un clown américain
soit affectueux avec les enfants. Ça peut paraître un petit peu vieux jeu de dire ça,
mais j'ai quand même l'impression qu'avoir un lien affectif avec la nourriture, c'est aussi
important que connaître bien l'histoire de France et ainsi de suite. Ça fait partie de notre bien
commun et il faut se le partager. Alors moi, je trouve qu'il y a un renouveau quand même. On voit
de plus en plus de personnes, on a reçu un dans le second épisode, à refaire leur pain chez eux
avec des blés oubliés, des blés anciens et tout ça, mais avec une attention particulière sur le
bio, sur le local. On recevait aussi Morgan, ils ont transformé la ferme pour pouvoir continuer la
ferme familiale, mais en installant de l'aubrac en bio. Je trouve que ça bouge, c'est mon point
de vue, je peux me tromper, je peux l'entendre, mais j'ai quand même l'impression qu'il y a un
retour un petit peu sur le produit. Peut-être pour une partie de la population, mais peut-être pas
majoritairement. En fait, le problème est là, effectivement ça bouge, il y a une demande,
pas une offre qui est de plus grande qualité. Moi, je vais très souvent au marché à la Roche,
c'est un très beau marché et je me dis qu'on a une super offre. Le problème, c'est que les gens
n'ont pas les moyens de pouvoir profiter de cette offre, mais c'est aussi par choix. C'est-à-dire
qu'aujourd'hui, le budget alimentaire est passé après le budget loisir, c'est le choix de chacun,
si on regarde le prix qu'ils mettent dans les abonnements sur les plateformes et sur leur
abonnement téléphonique. Mais encore une fois, je ne jette pas la pierre, mais quand l'alimentaire
ça coûte cher, moi j'ai trois enfants et je me dis qu'effectivement c'est un budget important,
mais quand on réfléchit, moi j'ai la possibilité de pouvoir le faire, mais j'ai aussi le fait de
cuisiner par rapport à un plat hyper préparé. Finalement, je ne le paye pas beaucoup plus cher,
mais je passe du temps. C'est un loisir la cuisine aussi, est-ce que ce n'est pas le plus beau des
loisirs de cuisiner? D'aller au marché, d'aller au jardin, de ramasser les légumes, aller acheter
une viande, un poisson au marché, de cuisiner à deux mains ou à plusieurs et de le partager à
table. Là vous prechez un convaincu, mais encore une fois, je ne peux que le regretter pour d'autres.
Mais c'est assez drôle, je réfléchissais sur mes élèves qui arrivent en seconde et il y a
quelques années, j'en avais un ou deux qui n'avaient jamais vraiment utilisé un économe pour
éplucher un légume. Aujourd'hui, j'ai la majorité d'élèves qui n'ont jamais utilisé un économe,
alors qu'ils s'intéressent à la cuisine en général. Alors comment font-ils? Ils ne font
pas, ils n'épluchent pas des légumes à la maison. D'accord, c'est le départ, souvent c'est un peu
le point de départ de la cuisine. C'est ce qu'on pourrait penser, mais en fait... Une fois qu'on a
les légumes, il y a un petit épluchage qui est un peu important. Le temps passe très vite,
on va piocher un premier mot dans la deuxième boîte. Donc on a eu sardine, on a eu verveine...
On pourrait faire un plat avec les deux. Ah ben... On va voir les mots après. Ah, gras. Alors moi,
je vais en parler assez simplement. Pour parler du gras, moi je suis un ancien gros. C'est-à-dire
que je faisais 165 kg il y a cinq ans. Et puis pour des raisons de santé, j'ai dû drastiquement
tout éliminer. Donc j'ai éliminé le gras. Et donc j'ai sublimé le gras. C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
j'en mange très très peu. Mais par contre, je me fais plaisir. C'est-à-dire que je prends que du
beurre de super qualité, de crème crue et ainsi de suite. Et en fait, je crois qu'il est là le
secret. C'est-à-dire que c'est l'excès de gras qui pose problème. Aujourd'hui, on peut manger
pas gras. Il en faut parce que vos cheveux, vos ongles, ils ont besoin de gras. C'est obligatoire.
C'est comme la protéine. Mais on peut faire attention à ça. Et manger moins gras, c'est
aussi possible. Alors, c'est juste un petit apprentissage. C'est juste qu'il va falloir
s'y remettre. Parce qu'effectivement, quand c'est gras et sucré, c'est le beignet. Tout de suite,
c'est attirant. C'est réconfortant. Le corps humain est plutôt bon récepteur à ça. C'est ça. Mais
notre cerveau est bon récepteur à ça. Moi, je me suis beaucoup réfugié dans la nourriture plus
jeune. Et le gras et le sucré, ça marche bien. Ça calme. C'est réconfortant. On peut faire mieux
aujourd'hui. C'est un autre challenge. Je pense que c'est aussi très réconfortant de manger moins
gras avec tout autant de goût. C'est ça. J'ai un truc très rigolo sur le gras. Très souvent,
on dit que le chocolat noir, c'est mieux que le chocolat au lait. En fait, le chocolat noir est
plus gras, donc plus calorique. D'accord. J'ai eu cette réflexion autour du fromage où les gens
disent à moi, j'aime pas le camembert, c'est gras. Mais en termes de volume, il y a moins de gras dans
un camembert que dans un comté. Exactement. C'est la proportion d'eau. C'est exactement ça. C'est la
proportion d'eau. Le comté a beaucoup plus séché, a perdu l'eau. Par contre, la matière grasse est
restée. C'est ça. Des fois, il y a des fausses idées comme ça. Je ne la connaissais pas pour le
chocolat, mais c'est vrai que souvent pour le fromage, les gens disent que c'est un brie,
un camembert, c'est gras. Alors non, il y a de l'eau dedans qui fait qu'à volume égal, vous allez
manger moins gras un morceau de camembert qu'un morceau de comté ou d'une autre pâte pressée.
Le gras, alors un plat, un souvenir avec, je ne sais pas, une viande ou un poisson. Je pense
qu'il est présent. J'en ai deux assez rigolos sur le corps. Je fais un peu attention à ce que je
mange, à ce que je pense. Et puis, en 2019, j'étais à Kazan, au fin fond de la Russie,
là-bas, pour une compétition de cuisine, entre autres. Et à Kazan, on m'invite dans un restaurant
un peu classe, un buffet, tout ça. Et c'était que des viandes fumées. Fanat de viandes fumées,
un peu au régime. J'ai dit qu'il y a la viande fumée. Et j'en vois une qui est particulièrement,
mais presque tellement fine et transparent et tout ça. C'est incroyable, ça, je n'ai jamais
goûté ça. Je goûte, c'est très fumé, très bon, mais je sens qu'il y a quelque chose. J'arrive à
trouver quelqu'un qui parle un peu anglais pour m'expliquer ce que c'est. En fait, c'est que du
gras de porc. D'accord, c'était que du gras de porc. On a certaines charcuteries italiennes où
il y a quand même beaucoup de gras, mais là, il n'y avait que le gras, il n'y avait même plus la
viande. Et puis, quand j'étais élève au lycée de La Rochelle, quand j'étais gamin, j'avais un
prof qui nous... Monsieur Vanier, j'espère qu'il m'écoutera, parce qu'il ne connaît pas cette
histoire. Monsieur Vanier nous dit toujours, mais il faut mettre plus de beurre, il n'y a jamais
assez de beurre, du beurre, plus du beurre, plus du beurre. Et puis, une fois, il nous demande de
lui faire un plat un peu création autour d'un beignet. Et avec deux copains, on lui fait un
beignet de beurre. C'est-à-dire qu'on fait congeler du beurre, c'est tout un truc. On fait
panier deux fois, on arrive à le panier, et on fait panier de beurre sans qu'il fonde complètement.
On fait même une sauce crème avec monté au beurre. Il goûte ça, il comprend un peu la vanne,
mais bon, il n'avait pas vu que c'était un beignet de beurre. C'est possible d'être un beignet de beurre.
Oui, après, l'intérêt, c'est la performance. J'avais une autre question qui est plus liée
aux professionnels de la restauration. On a parlé d'avant, d'aujourd'hui, mais demain,
quels sont les prochains défis à relever pour les professionnels de la restauration?
Les prochains défis, c'est qu'il va falloir qu'on éduque les clients. Éduquer les clients,
ça veut dire qu'il va falloir comprendre que si on arrive à manger à 22 heures, ce serait normal
de payer un petit peu plus cher parce que le serveur, il travaille là, et le cuisinier,
il travaille à 22 heures. Si on veut manger un dimanche, peut-être qu'on aura moins le choix
de manger un dimanche parce que le dimanche, il y a des gens qui ont besoin d'avoir un repos,
qui mériteraient d'être en famille ce dimanche. Il faut aussi éduquer le client pour lui faire
comprendre que passer une heure du matin, alors que ça fait déjà une demi-heure qu'on a l'addition,
peut-être qu'il faudrait laisser la place pour que les employés puissent aller se reposer et avoir
une vie décente. Et être en forme pour le lendemain.
Oui, il y a un peu de ça aussi. On nous a habitués, on a habitué les clients à ce qu'on
soit à leur disposition, qu'on soit, que tout est tout le temps ouvert, que finalement, c'est pas très
cher par rapport à ce qu'on paye. On n'a jamais vraiment payé le vrai prix parce que si les
restaurateurs ne payent pas les heures supplémentaires, c'est peut-être parce que, il y a
des restaurateurs, peut-être, ça c'est l'imagé qui se gave, moi je crois pas. J'ai beaucoup d'amis
restaurateurs qui ont une juste gestion de leur restauration, qui ont une rémunération juste par
rapport à leur travail. Et je me dis que c'est à nous clients de peut-être faire un peu attention
et penser que si on arrive assez tard sans réserver, qu'on nous refuse. D'accord, on nous refuse.
On parlait de l'apprentissage du goût et justement la place de la cantine à l'école,
elle a un rôle dessus.
Incroyable.
Voilà.
C'est incroyable. Mais encore aujourd'hui, moi j'ai trois filles. J'ai trois filles qui ont
mangé à la cantine, dans les cantines de leur collège ou lycée respectif. Et des fois, elles me
disent, ah oui, non mais c'est bon ça, mais ça vaut pas celui de la cantine. Parce qu'en fait,
ça correspond plus à leur envie, leur goût. Je parle de, des fois, moi j'ai tendance à faire,
à rendre gastronomique n'importe quel plat, à tel point qu'ils disent, oui c'est bien,
mais c'était bon aussi à la cantine. Et donc, c'est ça qui est assez rigolo. Par exemple,
on va prendre un exemple simple sur le cordon bleu. Le cordon bleu, moi je fais des cordons
bleus des fois à mes enfants avec une super viande de veau, un super fromage, un jambon
d'artisan, pané moi-même et tout ça. Ah oui, c'est bon papa, super. Mais le cordon bleu de la
cantine, c'était bon aussi. Quels sont les critères qui vont faire qu'on va trouver ça bon ou pas
bon? Il y a plein de choses. Alors effectivement, il y a la qualité, il y a la réalisation,
la cuisson, tout ça. Mais il y a aussi, peut-être que c'était un midi avec les copines à table.
Et c'était le moment, l'environnement, l'envie. Des fois, on parlait tout à l'heure de sardines,
mais moi je me rappelle quand j'étais gamin, ma grand-mère faisait des croque-monsieur assez
bizarre parce qu'en fait, elle faisait avec de la biscotte. C'est-à-dire qu'elle noyait dans
la béchamel des biscottes, elle mettait vaguement du jambon et du fromage et remettait du fromage.
Alors c'était gratin. Elle appelait ça croque-monsieur, ce n'était pas des croque-monsieur,
mais c'était d'une simplicité, c'était un truc incroyable. Moi j'en ai un souvenir ému. Après,
j'ai eu l'occasion de manger du croque-monsieur avec du pain de mie maison, d'un grand boulanger,
avec du jambon, de la truffe et tout ça. C'était bon, mais ce n'est pas mamie qui l'avait fait.
C'était pas mamie. C'est ça, je trouve la puissance du cerveau et du souvenir dans le goût,
dans l'appréciation d'un plat est quand même assez fou. On y mélange des souvenirs,
on y mélange des sentiments, des émotions qui des fois peuvent rivaliser avec la qualité du produit.
C'est presque pas raisonnable, en tout cas pas quantifiable ce côté-là. C'est qu'effectivement,
le moment, des fois un pauvre sandwich mangé avec copain, on a beaucoup plus de plaisir
qu'un resto un peu gastro où on s'ennuie. On poursuit régulièrement des émissions de
cuisine et tout. Les chefs souvent ont des mots par rapport à un souvenir d'un plat.
Je sais pas, c'était François-Régis Gaudry qui nous parle du riz au lait de sa mère.
Et de réussir à vouloir absolument à réussir à le faire et à ne pas y arriver parce que
parce que maman n'est pas là. Mon père, il adorait le riz au lait au chocolat de sa grand-mère. Et
donc régulièrement pour faire plaisir à mon père, il a 75 ans, 76 ans, j'ai fait du riz au lait. Il
me dit « Non mais il est super bon ton riz au lait ». Il est pas aussi bon que sa mamie. Alors
qu'en plus, sa grand-mère quand elle le faisait, elle faisait du cacao pas bon. Moi j'en fais avec
du chocolat de couverture de chez Valrhona, un truc de ouf. Mais parce que voilà. Le souvenir.
La saveur, c'est pas uniquement une qualité organoleptique du plat à ce moment-là,
c'est aussi un environnement, c'est aussi un moment et un moment dans sa vie aussi,
un souvenir. C'est large. C'est la thématique un peu de l'émission. Le temps passe très vite,
mais j'ai quand même envie qu'on pioche un quatrième mot dans la deuxième boîte.
On a eu gras, on a eu sardine, on a eu verveine. Mariné. Alors voilà, ça c'est l'essence même
de ce que je cuisine aujourd'hui. C'est-à-dire que vraiment, c'est aussi un peu une éloge de
la lenteur. C'est-à-dire que le gras, c'est rapide. Le mariné, c'est lent. Le fumé, c'est lent. Le
séché, c'est lent. Et aujourd'hui, j'ai 52 ans et je me dis, j'ai du temps. C'est drôle parce
qu'en fait, on peut se dire que plus le temps passe, plus on en a. Mais en fait, plus on en a du
temps. En tout cas, plus on apprécie ce temps posé. Oui, la valeur du temps. C'est ça, la valeur du
temps. Mais aussi parce qu'il file aussi. Il file, mais justement, on se dit tant pis, je vais prendre
le temps et c'est un vrai plaisir parce qu'on sait le prix, la valeur du temps. Là, je suis en train de
mettre au point ma magret séché. J'essaie de faire ma magret séché. Et je me suis aperçu que trois
semaines, ça ne suffit pas pour qu'il sèche. Donc, je vais le faire sécher une quatrième semaine. Mais
j'en rêve depuis trois semaines de le goûter ce magret. Après, j'aimerais bien le faire fumer et
tout ça pour que ça soit super. Mais je me dis, voilà, c'est ça qui est génial. C'est qu'il y a
encore une semaine. Pas grave. Parce que c'est chouette. Ça fait écho. Alors, pour ce fait, Morgane
et Kino, justement, avaient le même rapport par rapport à la viande. On disait, ben oui, c'est
chouette. Une belle entrecôte, revenue, grillée, c'est bon. Mais un bœuf bourguignon, un pâle rond
confit. Et effectivement, cette notion du temps qu'on va passer en cuisine est très importante
aussi. En fait, ça marche aussi pour tout. On a l'impression que moi, je vois les gamins d'aujourd'hui,
on parlait de Top Chef tout à l'heure, qui veulent aller vite, qui veulent aller fort et tout ça.
J'ai envie de leur dire, laissez mariner aussi votre savoir. Ça va arriver.
Je dis souvent, on peut mettre tous les engrais qu'on veut, mais pour faire un
chaîne centenaire, il faut 100 ans. C'est très beau. Et il est l'heure bientôt de se quitter.
J'ai une question que je pose tout le temps à mes invités. Demain, vous êtes invité au restaurant
et vous choisissez le menu de vos rêves. Vous avez les meilleurs chefs à votre disposition,
les meilleurs aliments, une entrée, un plat, un dessert. Alors moi, ce que j'aimerais manger en
plat, c'est le saumon à l'oseille des Trois Gros. C'est un plat qui est mythique parce que c'est pas
seulement d'associer du saumon et de l'oseille, mais c'est les premiers qui ont su faire du poisson,
du saumon à juste cuisson. Il était cuisiné à 70 degrés. Aujourd'hui, ça paraît important.
C'est évident que les grands chefs cuisinent le poisson à leur bonne température selon le type de
poisson. Mais à l'époque, dans les années 60-70, ce n'était pas du tout ça. Tout le poisson était
surcuit. C'est aussi pour ça que personne n'aimait vraiment le poisson à l'époque. Aujourd'hui,
j'aimerais pouvoir manger de ça. J'aimerais quand même être servi par Paul Bocuse d'une soupe VGE,
le côté bouillon de viande un peu riche avec cette truffe, ce foie gras. VGE, Valéry Giscard d'Estaing.
Qui a été servi à l'occasion de la Légion d'honneur de Bocuse, mais c'est aussi pour pouvoir
rencontrer Bocuse. Pour pouvoir lui dire, tu as créé un truc. Il y a des chefs qui ont été moyens
parce qu'ils t'ont suivi à la lettre dans cette relation homme-femme qui n'était pas classe.
Mais par contre, tu as pu permettre que ça change aussi. Donc il y a aussi quelque chose là-dedans.
Et puis un dessert qui me fait rêver, c'est un dessert assez bizarre, c'est retrouver le beignet
aux pommes de ma grand-mère. Mamie Paulette qui me faisait des beignets de pommes, je ne sais pas
pourquoi des fois, elle prenait l'idée de dire, ce soir on mange beignet aux pommes, mais c'était
le repas. Elle nous faisait des beignets aux pommes et on mangeait que ça. Des beignets aux pommes,
donc du gras, du sucré, des pommes mamie. C'est top. Ok, c'est beau. Merci Arnaud. On peut te
suivre sur les réseaux ? Tu es un petit peu présent de temps en temps, un peu Instagram,
un peu LinkedIn ? Oui, en général que du professionnel. On peut me suivre sur des réseaux,
particulièrement à mes activités de coaching pour l'équipe de France pour les WorldSkills,
mais on peut trouver aussi au lycée Branly. Venez nous voir au lycée Branly aussi,
on est régulièrement ouvert aux clients des midis, des soirs. Il y a un restaurant d'application?
Il y a un restaurant d'application, on a même trois. Trois restaurants d'application. Voilà,
et donc n'hésitez pas à venir nous voir, participer aussi à la formation de futurs
chefs et de futurs serveurs. Très bien, merci Arnaud, à bientôt. A bientôt, merci. Je remercie
toutes les personnes qui m'ont aidé à réaliser cette émission. Vous pouvez suivre les aventures
de Saveur sur les réseaux sociaux. On se donne rendez-vous dans un mois et d'ici là,
je vous invite à tendre l'oreille sur Graffiti pour retrouver chaque semaine une nouvelle capsule
de Saveur. Si vous souhaitez soutenir ce programme, vous pouvez laisser un commentaire sur les
plateformes de podcast et mettre aussi 5 étoiles. Je vous souhaite un bon appétit, de bons repas et
de jolis plats. A bientôt!